Est-ce que tous les hommes sont comme ça, ou suis-je l'exception qui ne pourra jamais dormir en paix, la conscience, pour ne pas dire tranquille, calme ?
"Équilibre". Dirait-Elle ?
Je n'avais aucune raison, aucune excuse, pouvant ne serait-ce que prétexter qu'il était, commun, à défaut d'être normal, de se sentir ainsi.
C'est le pire. L'absence de cause, de coupable. Le sentiment de ne pouvoir accuser personne, de ne pouvoir lâcher ce monstre qui dors en moi, sur les épaules de quelqu'un d'autre. De ne pas avoir le droit de lacérer de mes griffes le visage apeuré d'une âme innocente que je me plairais à condamner.
Quelques fois, la chose s'assoupissait, se relâchait, se détendait. Elle ne dormais pas, jamais, mais elle me foutait la paix.
Mais même dans ces moments de quiétude relative, intérieure, la frustration ne me lâchait pas. Comme un démon, un esprit, qui ne pouvait quitter ce lit qu'était devenue pour lui mon âme. Pour cette raison, j'ai mainte fois essayé de la vider, de la noyer, de l'étouffer. Je me mutilais intérieurement, silencieusement, pour faire taire cette bête, cette horreur, qui guettait Le moment. Le moment, ou enfin, elle me changerait, elle me détruirait, elle me rongerait, en commençant par l'intérieur. Puis petit à petit, me repliant, me dévisageant, ne voyant plus que l'ombre, haïssant la lumière, je deviendrais le miroir de cette chose, qui m'a ruiné l'âme, puis le corps, me plongeant dans l'abime sans fond de l'oubli, du carnage, de la peur.
De quoi ont peur les monstres ? Tout simplement de ce qu'ils étaient, avant. De ce qui peut ressembler à ce qu'ils étaient. Car alors, tout le passé qu'ils avaient oublié pourrait resurgir. Et les détruire, définitivement, leur enlevant brutalement tout le masque qu'il s'était forgé, pour éviter de savoir. Mais moi, je savais, déjà.
Mais, ne l'oubliez jamais, il y a toujours moyen de trouver pire. Pire que ce que l'on est.
Je ne peux pas dire que j'ai tué le monstre, même si j'en tirerais une fierté sans nom, pour avoir vaincue la seule chose digne de crainte. Je ne le peux pas, car mentir me fais mourir. Mais alors, je dirais juste, que tu l'as détruite. Et j'en tire une fierté, sans doute plus grande, de t'avoir trouver.
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